La tenue à domaine congéable de Rigonou

 

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Parmi les documents récupérés il y a trois extraits des minutes du greffe de la justice de paix de Crozon ; ils se distinguent des autres par une écriture très régulière, mais peu économe en papier. Ils concernent une tenue à domaine congéable : l’exposé de la procédure et nomination des experts, la prestation de serment des experts et enfin le rapport d’expertise.

Le 20 mars 1864 Jean Disarbois achète aux héritiers Caradec la tenue à domaine congéable du village de Rigonou, qui a été décrite dans deux déclarations du 20 avril 1730 et du 1er avril 1764, qui ne sont pas dans les documents récupérés.

Jean Disarbois veut faire libérer la tenue pour le 29 septembre 1864. Il est déjà propriétaire à Rigonou et il souhaite agrandir sa ferme. Il a d’ailleurs des terres proches de celles de la tenue.

L’audience publique de la justice de paix a lieu le 16 avril 1864; la demande de Jean Disarbois est exposée, les domaniers donnent leur accord pour le congément à la date prévue et trois experts sont nommés par le juge.


Un régime à part


Pour certains les tenues à domaine congéables étaient une spécificité de la basse Bretagne et de très nombreux sites internet en parlent, en donnant des exemples, mais ce sont généralement des actes de la Renaissance.

D'autres, par contre, estiment que c'était un pratique minoritaire dans le vicomté du Léon, notamment dans la presqu'ile de Crozon.

 

Ce régime a été aboli au début de la Révolution, puis rétabli rapidement devant les protestations des propriétaires, mais les cultivateurs l’avaient oublié, du moins ceux de Rigonou.

 

  Les experts

 

Ce sont deux notaires en exercice : Pelliet et Taburet, plus un notaire à la retraite : Riou, trois noms que l’on retrouve dans de très nombreux actes.

Le principal domanier est Jean Thépot, mais il y en a d’autres comme on le verra dans le rapport des experts.

Les experts prêtent serment le 13 août 1864.

 

Le rapport des experts


Le rapport des experts est daté du 14 septembre 1864, deux semaines seulement avant le départ des occupants.

Dans son annexe on trouve la liste des 45 édifices et leur estimation. Il y a aussi des croquis, qui permettent de situer les parcelles concernées.


Sur le cadastre napoléonien les parcelles portent le nom de « Caradec », après celui du domanier.

 

Au total l’estimation se monte à 717,95F, dont 468,15F pour la maison, les 2 crèches, la moitié du puits et la cour, occupés par Jean Thépot ; il reste alors 249,80F pour les autres édifices.

 

Cette somme ne peut pas être comparée aux 6400F payés par Jean Marie Quélen le 6 février 1854 lors de l’adjudication  « Penfrat », pour la ferme voisine, avec 11 hectares de terres. Il s’agit dans cette expertise d’évaluer le montant des indemnités dues aux domaniers pour les améliorations, qu’ils ont apportées.

 

 

La maison et ses dépendances

 

La maison est, repérée sur le plan cadastral ci-dessous sous le numéro 515 (Pierre Thépot). Elle est décrite en détail dans le rapport des experts.


Curieusement la maison située sur la parcelle 514 et occupée par Michel Herjean ne fait pas partie de l’estimation, alors qu’elle figure bien sur les croquis des experts et qu’elle apparaisse également avec le nom Caradec sur l’état des sections, mais il est possible, qu’elle soit déjà en ruine au moment de l’expertise de 1864.


La ferme achetée par Jean Marie Quélen est à droite sur le plan cadastral (n° 496) et sur le croquis, qui a été dressé par les notaires. Elle est bordée par des chemins sur deux côtés et elle est séparée de la maison Thépot par la maison de Jean Marchand de Kerloc'h (498).



Rigonou aujourd’hui



Le cadastre actuel montre que toutes les constructions comprises dans la tenue ne sont plus que des ruines. Elles appartiennent pour la plupart à notre cousine de Camaret, qui les a acquises dans la succession de son père, François Mercier.


L'autre maison de jean Thépot, qui ne faisait pas partie de la tenue et qui était sur la parcelle portant le  numéro 524 a complètement disparu; celle de Jean Marchand a été reconstruite, mais de l’autre côté de la parcelle.


La ferme achetée par Jean Pierre Quélen (ex 496) a été agrandie et transformée en gite.

Sur la photographie on voit l'arrière de l’ancienne ferme et la nouvelle maison construite à la place de celle de Jean Marchand.


 

Les parcelles de terre

 

Les exemples cités sur internet concernent généralement des territoires étendus, alors qu’ici on a seulement un peu plus de 2 hectares et surtout des parcelles, qui sont, pour la plupart, de faible superficie; elles ne sont pas contiguës, à l’exception de celles qui sont proches de la maison.

Il y a  33 parcelles qui font ensemble 16933 m² et une grande pâture de 6770m², plus quelques terres communes non détaillées. Dans les 34 parcelles, 7 font moins de 200 m² et la moyenne est de 700m², pâture comprise. Par comparaison la superficie moyenne des parcelles achetées par Jean Quélen se monte à 1500m².

 


Il manque deux parcelles, mais elles ont probablement changé de nom entre temps et les experts ne les ont pas trouvées.

La plupart des parcelles sont identifiées par une croix sur un croquis succinct, sans recollement, dressé par l’un des experts. Mais il y a des croix dans des parcelles qui ne figurent pas dans l’annexe du rapport et inversement.

Curieusement Jean Quélen est dans la liste des domaniers avec deux parcelles 451 et 452, alors que Jean Louis Cornec est aussi cité pour la parcelle 452.

Sur le croquis de l’expert, si la parcelle 451 apparaît bien au nom de Penfrat avec une croix et l’indication 2/3, la parcelle 452 ne porte pas de croix ni de nom.

Il doit y avoir une erreur car les superficies portées sur le croquis par les experts correspondent bien à celles des superficies données dans  l’acte d’adjudication du 6 février 1854 au profit de Jean (Marie) Quélen. La parcelle 451 fait 13a20ca et les 2/3 donnent bien 8a80ca, ce que les experts ont écrit. Par contre la parcelle 452 ne fait que 4a90ca et les 2 :3 font 3a26ca et non pas 3a90ca. Jean Louis Cornec a donc une autre parcelle.

Les articles 8 à 12 mentionne un sillon de terre chaude dans un parc appelé « parc ty laë » (489 à 494) et l’article 44 une portion de terre montagneuse dite « pen parc ty laë » (550).

Or à cette époque il n’y a pas de Laë à Rigonou, puisque Jean Laë n’y viendra qu’en 1891 et que son père, Auguste Laë, qui a épousé  Véronique Quélen le 14 octobre 1865, est domicilié à Roscanvel en juin 1864.

La désignation « laë» est donc plutôt à mettre en relation avec la topographie des lieux et, dans ce cas, c’est valable aussi pour les parcelles portant un nom similaire à Trégoudan (et ailleurs).

L’acte d’ajudication de 1854 précise qu’il n’y a pas eu de transmission d’acte et les héritiers Penfrat ne savaient probablement pas que deux des parcelles mises en vente faisaient partie d’une tenue à  domaine congéable ; en effet l’acte de vente dit que les biens vendus appartiennent en toute propriété aux héritiers de Michel Penfrat. Dans l’article 2 il est mis aussi qu’ils garantissent les adjudicataires de tous troubles…évictions…, ce qui n’a donc pas été le cas.

 

Il n’y a pas d’autre document concernant cette affaire. Les deux parcelles 451 et 452, comptées aux 2/3 dans la tenue, ne figurent pas dans le 3ème lot de la donation de 1891, mais elles font peut-être partie d’un autre lot.

Il n’y a pas non plus de traces de réactions des domaniers.

 

Rappel important:

Selon les documents le domanier est celui qui donne ou celui qui prend; cela ne facilite pas la lecture et peut conduire à des erreurs de lecture.

Dans le Léon les deux noms sont souvent mentionnés