Cardinal

 

Version 4.2_Page 31-11_janvier 2024

"Cardinal" est, pour moi, un lieu très particulier. Ma grand-mère, Thérèse Le Lann, en parlait sans cesse. C'est un grand champ très long, qui relie le village à la grève et qui suscite toujours des convoitises

C'est un champ aussi très humide, situé en contrebas du village, c'est pourquoi les saules s'y plaisent bien.

Curieusement dans le PLUI de la Com Com les arbres situés à droite sont qualifiés espèces à protéger.

Sur la photo il a été partiellement dégagé pour permettre de stocker des rouleaux de foin. Malgré un accès difficile, certains ont effectué des prélèvements et 15 rouleaux sont partis en une nuit en 2012.

"Cardinal" est en zone non constructible, du fait de sa proximité avec l'étang de Kervian. Les voisins cherchent à toujours à en acheter une partie pour avoir un accès direct à la grève. ce fut déjà le cas il y a deux siècles, comme on le verra plus loin.

 

Parc Cardinal et Léac'h Cardinal

 

En fait sous le nom de "Cardinal" on trouve deux blocs de parcelles, clairement identifiés sur le cadastre napoléonien :

Parc Cardinal, numéros 312 à 317, situé à l’est, côté rade de Brest, entre l’étang de Kervian et la grève,

puis Léac’h Cardinal, numéros 12, 13, 174 et 175, situé à l’ouest, côté baie de Camaret, perpendiculaire à la côte.

Parc cardinal est également facilement repérable sur la photo aérienne de 1919 et sur la photo suivante, qui a été prise avant 1937, puisque la maison rose n'y figure pas.


L’ensemble des parcelles de Parc Cardinal a une superficie de 16110 m².

Au début du 19ème siècle Jean Derrien possède le grand champ, qui va de la grève au chemin « Garront ar C’hor », avec une surface de 6290 m². Les autres parcelles sont aux mains de Salomon, Le Bras de Lanvernazal et Jaffré Jacques, de Kerellot.

De l’autre côté Léac’h Cardinal est n'est qu'une longue bande de terre, allant pratiquement de la côte au grand chemin de Crozon à Roscanvel.

En tout c’est un champ de  10550 m², que le cadastre napoléonien a découpé en 4 parcelles, car il est également à cheval sur deux feuilles.

Jean Derrien en a la moitié (5250 m²) en deux parcelles séparées par une route récente. Les deux autres parcelles appartiennent aux héritiers Le Bras.

Léac’h Cardinal est une terre vaine, avec lande rase, bruyères et beaucoup de cailloux.

Sur la photo ci-dessous c'est la partie en pente sur la droite, sachant que la parcelle continue de l'autre côté de la RD355. En regardant l'état des sections on se rend compte, qu'il s'agit d'une démembrement de deux ensembles plus importants : Léac'h Cazi vers la côte et Tors Cren vers l'étang.

 

L'aveu de 1750

 

Cardinal est cité dans un aveu du 8 juillet 1750. Le seigneur est Henry, Comte d’Estaing, Marquis de Châteaurenault, qui tient la terre de son beau-père, Emmanuel du Rousselet, baron du Poulmic. La rente se monte à 10 livres et deux chapons.

Les héritières sont Anne Folgar de Kergadiou, Jeanne et Anne Carn de Kerincuff. Ces dernières ont récupéré Cardinal après le décès de leurs frères Jacques et Hervé Carn (rachats payés le 17 mars 1740).

Le texte de l’aveu est à rapprocher du texte de Cambry  dans son voyage dans le Finistère : 

Toutefois plusieurs auteurs ont publié récemment des articles sur les tenues à domaine congéable en Bretagne; ils ne sont pas aussi sévères que Cambry ou ses contemporains, bien au contraire. en fait ils ont constaté que, d'une manière générale, c'était un régime assez souple et que la plupart des domaniers s'en sortaient plutôt bien.

On trouve aussi des articles (Alain Le Bloas) , qui contredisent Cambry, en disant que dans la presqu'ile de Crozon, comme dans les autres terres du Vicomté du Léon, c'est le fermage, qui domine, mais sans être exclusif.


On ne retrouve pas les superficies


Les superficies données dans l’aveu ne correspondent pas à celles du cadastre.


1_Un parc vulgairement appelé parc cardinal cerné de vieilles masures tout alentour contenant sous terre chaude 140 cordes, sous terre grise 28 cordes et 2/3, sous terre froide 65 cordes et 1/12ème qui sont en tout y compris les fonds des réparations deux cent trente trois cordes et ¾

Ledit parc donnant du bout du levant sur la grève ; du couchant sur le chemin qui conduit de roscanvel au bourg de crozon ; du nord sur l’étang de poul ar kervian et du midi sur un parc nommé par ar fret


La description des limites de Parc Cardinal correspond bien à ce que l’on observe sur le cadastre napoléonien, comme le montre l’extrait du cadastre en tête de la page. Tout au plus peut-on remarquer, que le chemin de Crozon à Roscanvel passait alors le long de l’étang, qu’il devait traverser sur une sorte de pont de pierre submersible à marée haute. A moins que la référence au chemin  de Crozon à Roscanvel se limite au virage en bas de Garront ar c'hor

 

L’aveu donne une superficie totale de 233,75 cordes ou 14206 m²,  car 1 corde = 60,8 m². Le cadastre donne en tout 15110 m².

 

On peut très bien imaginer que le nom des parcelles ou l’état de division ait changé entre 1750 et 1830, mais le grand champ forme bien la limite de Parc Cardinal vers le sud; au nord on a bien l’étang de Kervian (Poul ar Kervian) et à l’est la grève.

 

Les surfaces données en terres chaudes, grises et froides ne correspond pas non plus au détail du parcellaire de 1831.

 

Certains domaniers ont probablement augmenté leur surface en prenant sur l’étang.

 

2_D’avantage une pièce de montagne dépend dudit parc cardinal située aux issues et montagne dudit village de  trégoudant donnant du levant sur autre pièce de montagne de ‘terre de quasi ’ du couchant sur la grève du midi aussi à terre dudit lieu de ‘quasi’ et du nord à terre de joseph palud contenant 138 cordes.

 

Pour Léac’h Cardinal l’aveu donne 138 cordes (8387 m²), bien moins que la superficie du cadastre : 10550 m², mais au bout il y a la falaise et personne n’est certainement allé mesurer jusqu’au bout.


Les limites du champ sont moins précises, dans la mesure où des noms ont changé depuis 1750. Au nord c’est Léac’h Pascouet ; au sud Tors Cren. Enfin Léach Pascouet a été divisé et il n’y a plus de Palud parmi les propriétaires de 1830.


Retour sur les bénéficiaires

 

Les héritières sont Anne Folgar de Kergadiou, Jeanne et Anne Carn de Kerincuff. Ces dernières ont récupéré Cardinal après le décès de leurs frères Jacques et Hervé Carn (dont les rachats ont été payés le 17 mars 1740). Pour Anne Folgar il s’agit de la succession du sieur Pierre Folgar, son père, mort depuis 31 ans (donc autour de 1719).

Il ne faut pas la confondre avec une autre Anne Folgar, la femme de Marc  Derrien, qui est décédée le 30 novembre 1741, donc avant la rédaction de l’aveu.

 

Marc Derrien et Anne Folgar vont se retrouver en 1753 dans l’aveu sur la terre de Coatglas.

 

Cependant il est très vraisemblable que ce document, comme la plupart des documents plus anciens d’ailleurs, soit arrivé par le biais du rachat des biens des descendants de Jean Derrien dans la seconde moitié du 19ème et le début du 20ème siècle. Les Derrien auraient donc récupéré une partie des biens d’Anne Folgar de Kergadiou.

 

Avec un peu de chance (et de temps) on devrait pouvoir remonter à Yves Folgar, époux de Louise Carn et même Jean Folgar, époux de Clémence Palud, bien que les informations requises doivent être recherchées dans les BMS de Roscanvel, qui ne remontent pas très loin dans le temps.

 

Cela permettrait néanmoins de faire le lien avec Jacques et Hervé Carn, d’une part, et avec Joseph Palud, d’autre part.

 

Il n’y a pas d’autre texte sur Cardinal, mis à part le litige de Jean Derrien avec ses voisins, qui sera abordé plus loin. A sa mort le grand champ a été partagé entre ses cinq héritiers, puis, avec les Laé, il a retrouvé peu à peu son intégrité

 

De l’origine du nom « Cardinal »

 

Ce nom est assez surprenant. Il est possible qu’il soit associé à la position des deux champs, perpendiculaires à l’orientation générale de la presqu’îles même si pour les romains le Cardo Maximus était orienté nord-sud. C'était le Decumanus qui était orienté est-ouest. Il est alors pluq probable qu'il s'agisse d'une simple référence aux points cardinaux.