L'affaire de Prat Keranguyader
Version 4.2_Page 35-41_janvier 2024
L’affaire de Prat Keranguyader est complexe. Il y a beaucoup de documents et leur enchaînement n’est pas évident. Il doit également manquer des chaînons. Il peut aussi y avoir eu confusion entre deux parcelles. Enfin elle se déroule en deux étapes et il manque une conclusion.
Sur le principe il s’agit d’une affaire classique : un étang avec un moulin. En modifiant la hauteur de la décharge, on modifie le niveau de l’eau dans l’étang, inondant ou dégageant, selon le cas, des espaces couverts de joncs ou des étendues herbeuses. Par temps de sécheresse le niveau de l’eau baisse et les habitants du village coupent le foin, qui a poussé sur les parties herbeuses dégagées.
Où est vraiment Prat Keranguyader ?
Théoriquement prat = prairie et Keranguyader est le nom d'un village à proximité de Kerloc'h, où on va retrouver la famille Mercier.
D'après l'état des sections il s'agit de la parcelle 823 bis.
Elle a été détachée de la parcelle 823, partie de l'étang de Kerloc'h, du moins celle qui "appartenait aux habitants de Kerloc'h et de Keranguyader"; Le reste apaprtenait à Philippe Meillard.
Le cadastreprécise bien propriétaires, usufruitiers ou domaniers. Dans le Léon le rédacteur fait la plupart du temps la distinction entre les propriétaires et les domaniers; ce n'est pas le cas ici.et c'est toute la difficulté;
A noter qu'à Kerloc'h l'étang est appelé "ar stang";à Trégoudan c'est "ar Poul".
Le plan cadastral vient en plus semer la confusion ; en effet sur ce plan il y a deux parcelles portant le numéro 823bis.
La parcelle 823 bis est au coin inférieur gauche du plan cadastral
Tout se passe comme si on avait un décalage entre la partie, qui représente l’étang et celle concernant les villages de Kerloc’h et de Keranguyader. L’examen des limites confirme bien ce décalage, sinon pourquoi aurait-on un moulin de Kerloc’h et une anse de Dinan en amont de Keranguyader ?
La lecture des documents est assez difficile, malgré une écriture très lisible.
A chaque fois les habitants des villages parlent de prat keranguyader en se référant à un aveu de 1784, qui n’est pas dans nos documents. Il semble bien qu’il y ait eu confusion entre les parcelles 823 et 823 bis. En effet, si la parcelle 823 fait près de 5 hectares, comme indiqué dans les documents, elle porte en fait le nom de « ar stang », alors que la parcelle appelée « prat keranguyader » (823bis) ne fait elle que 5940 m². La première est qualifiée de « roseaux », la seconde de « pâture ».
L’analyse des documents ne permet pas non plus de fixer les limites précises de la superficie concernée. On a l’impression que les habitants des villages de Kerloc’h et de Keranguyader, qui utilisaient en commun le prat, avaient décidé de s’approprier toute la partie occidentale de ce qui est aujourd’hui la section BL et qui est couverte de roseaux. Il ne faut pas oublier que la plupart des constructions, maisons, ou crèches, sont couvertes avec des roseaux.
La lecture du cadastre napoléonien montre d’ailleurs, qu’une bonne partie de la frange avait déjà été accaparée par les habitants (une vingtaine de parcelles au moins sont qualifiées de « roseaux »). On les retrouve en grande partie dans le cadastre actuel : elles figurent dans la section BL, à la limite avec la section BK.
Où se trouve Prat Keranguyader ?
Prat Keranguyader était, selon le cadastre napoléonien, une prairie située dans la corne ouest de l’étang, au bout du village de Keranguyader.
Le cadastre initial n’est pas très lisible, car la feuille a souffert. De plus, comme aujourd’hui, on est à cheval sur plusieurs sections, notamment Kerloc’h et Lannilien (devenu depuis St Julien). Le Prat Keranguyader porte le numéro 823bis. L’étang de Kerloc’h est réparti entre les numéros 820 et 821, du moins pour la section concernée. Le moulin porte le numéro 822. La parcelle, qui correspond au numéro 823, est mal définie sur le cadastre.
De plus il ne faut pas oublier qu’à cette époque toute la zone dépendait de Crozon
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La parcelle 823 porte le nom de « ar stang », que l’on retrouve dans la succession de Jean Laé ; sa superficie est de 47050 m², donc un peu en dessous de 5 hectares. C’est une partie de l’étang de Kerloc’h. Prat Keranguyader ne fait que 5940 m².
Ce qui se rapproche le plus de la superficie de la parcelle 823 est la zone en rose, ou, du moins, la partie située sous le ruisseau. Les limites données dans les documents ne sont pas assez claires.
Aujourd’hui la parcelle 823bis est traversée par la RD8, qui va de Crozon à Camaret. Sur le cadastre actuel ce serait la zone coloré en vert.
Sur le plan ci-dessous elle se trouve pratiquement au niveau du point d’exclamation, là où le chemin de randonnée coupe la RD8
Le chemin de Trésigneau, qui la borde vers l’ouest est à peine visible.
Un peu d’histoire
Avant la révolution toute cette zone appartenait à Charles-Henri, comte d’Estaing, qui la tenait de sa femme, Marie-Sophie du Rousselet.
Lors de la dissolution de ses biens, l’étang a été acheté par la famille Olivier et partagé ensuite entre les héritiers : Yves Olivier et Mme Meillard, sa sœur. Le partage a été fait avant la rédaction du cadastre, car sur Crozon l’étang est au nom de Jean Olivier et sur Camaret aux héritiers de Philippe Meillard.
Très vite les riverains ont protesté et attaqué la famille Olivier. Il y a eu des procès en 1818 et en 1841, dont nous n’avons pas de copie. A chaque fois la famille Olivier a gagné.
Puis, dans les documents conservés, on a à nouveau deux périodes agitées : 1865-1866 et 1871-1872. En face il y a Me Riou, l’ancien notaire, qui doit disposer de l’ensemble des documents concernant les procès précédents.
Les protagonistes
Parmi les personnes citées en 1866 on retrouve la plupart des habitants des villages, qui étaient déjà cités dans le partage de la montagne de Lannilien. Il y a aussi des habitants des villages voisins, qui se sentaient concernés
On retrouve donc Jacques Le Laé, probablement comme époux de Marie Laurence Mérour, qui vivra encore jusqu'en 1881,
Véronique Quélen et Joseph Isidore Auguste Le Laé
Marie Jeanne Quélen et Joseph Mercier, les parents de Marie Ursule Mercier.
A l’inverse de la liste de Lannilien, les conjoints ne sont pas toujours mentionnés, pourtant les deux listes sont très proches dans le temps.
Les habitants des villages ont été à nouveau déboutés. En 1870 cinq d’entre eux ont décidé de poursuivre l’aventure. La suite a été la même. Les montants à payer sont considérables : plus de 1000 francs.
Me Helleguen, avoué, avait émis un avis négatif, mais son avis n’est pas daté. On ne peut donc pas savoir s’il concerne le procès de 1866, ce qui est fortement probable, ou celui de 1871.
Tout est bien qui finit bien
Finalement tout s’est arrangé, puisque toute la zone a été partagée.
Lors de sa succession on trouve que Jean Laé avait une partie de « ar stang » : 2240m² et trois parties de l’étang de Kerloc’h, pour un total de 18722 m².
Sa part dans la parcelle 823 est de 4,76% de la surface totale. Elle est également de 4,76% pour la première des trois parties de l’étang. Les deux autres parties proviennent de démembrements ultérieurs.
Curieusement il n’a rien dans Prat Keranguyader (823bis), qui a été partagé autrement.